Bébé et la langue des signes, à la mode, à la mode...

Bébé et la langue des signes, à la mode, à la mode
Bébé et la langue des signes, à la mode de chez nous…    

 

Un effet de mode ?

Depuis plusieurs mois, j’entends parler  régulièrement d’une nouvelle méthode à la mode… Que ce soit dans les familles ou dans les structures petite enfance, de nombreux parents et professionnels font aujourd’hui le choix de développer le langage des signes avec les tout-petits.

 

Est-ce un effet de mode ou cela répond-il vraiment à un besoin de l’enfant ?

Pour les adeptes de la méthode, l’enfant y développerait le langage plus tôt, pourrait nous faire découvrir son univers, vivrait moins de frustrations… et aurait même un vocabulaire plus riche que les autres !  

D’un autre côté beaucoup de parents, de professionnels, réagissent également et s’inquiètent à l’idée que cette méthode pourrait provoquer un retard de parole chez le jeune enfant. Certains pensent aussi qu’on sur stimule les enfants alors même que ce ne sont que des enfants…

Il est vrai que dans un monde où la compétitivité, la performance, les bénéfices sont les maîtres mots, il me semble important de rester vigilent à nos attentes d’adultes sur ces petits êtres en devenir que sont nos enfants…

De nombreux débats s’animent donc autour du sujet, mais ils restent discrets et peu mis en exergue. Je me suis donc davantage penchée sur la question et souhaite vous livrer ici mes réflexions.

 

« Signer avec bébé »,  mais de quoi s’agit-il exactement ? Et d’où vient cette méthode ?

Nous sommes dans les années 1980, aux Etats-Unis. Joseph Garcia, interprète en langues des signes, découvre, en observant les enfants entendants de parents sourds, que ces enfants communiquent plus tôt que les autres. Lui est alors venue l’idée de transmettre cet apprentissage de gestes spécifiques (issus de la LSF : Langue des Signes Française utilisée par les sourds) aux enfants entendants : la méthode « Signer avec bébé » était née.

 

Il me vient déjà des interrogations, que vous vous posez peut-être aussi… :

 

  • un enfant ne communique-t-il pas avant même de s’exprimer verbalement ? Dès sa naissance, l’enfant pleure, cherche votre regard, manifeste des gestes qu’il apprend petit à petit à contrôler seul, puis sourit, rit…, votre enfant n’est-il donc pas déjà entré dans le langage ?

 

  • ces enfants (dont parle Joseph Garcia) n’ont-ils pas développé le langage des signes précocement, car seul moyen pour eux d’être compris de leurs proches, sourds, et de ce fait dans le but de créer du lien avec eux, de favoriser les échanges ?

 

Je me demande dès lors si cette méthode a lieu d’être aujourd’hui, auprès d’enfants entendants, au sein de familles entendantes…

  

J’aimerais vous transmettre ici toutes les questions que je me suis posée et qui peut-être vous trottent aussi dans la tête… ( ?)

  • « Signer avec bébé » est-ce naturel? spontané ?
  • En échangeant ainsi, le professionnel, le parent peut-il encore être attentif au langage non-verbal de son enfant ?
  • L’enfant ne risque-t-il pas de vivre de grandes frustrations quand il utilisera ces signes avec son parent, ou ses proches, alors que ces derniers ne seront pas en mesure de le comprendre ? Je croyais qu’on voulait alors limiter les frustrations de l’enfant… et puis d’ailleurs pourquoi l’empêcher de vivre des frustrations ? Ne sont-elles pas nécessaires au développement de l’enfant ? Mais je vais essayer de ne pas m’égarer… (vous égarer… ;-)) et détaillerai ces éléments de réflexions sur la frustration, dans un futur article… 😉
  • Le vocabulaire de l’enfant ne s’acquiert-il pas par l’environnement dans lequel il vit ?… Ne s’étoffe-t-il pas grâce au fait que ses parents, les adultes et les enfants de son entourage lui parlent, avec un langage riche et construit, grâce aux comptines, à la lecture d’album, grâce à toutes les choses qu’on lui fait découvrir (le tracteur du champ d’à côté, les fruits et légumes cultivés dans le jardin…) ?N’oublions pas non plus que le vocabulaire s’acquiert grâce au sens… Ainsi pour faire simple, l’enfant retiendra le mot « tracteur » grâce au bruit de son moteur, à la vue de ce dernier dans le champ, au moment intime passé avec son parent à le regarder… Qu’en est-il avec un signe, en crèche ?
  • Est-il indispensable d’attendre d’eux qu’ils s’expriment verbalement plus tôt?
    Un enfant dit naturellement ses premières syllabes vers 8-9 mois, ses premiers mots porteurs de sens vers 11-12 mois, des mots-phrases (type « papa parti » ou « avion vole ») vers 15 mois et ses premières phrases vers 18mois. Pourquoi donc signer entre 6 et 18 mois? Quel intérêt ?
  • Cette méthode n’incite-t-elle pas l’enfant à utiliser le signe alors même qu’il serait en capacité de s’exprimer oralement?
  • Quel recul avons-nous aujourd’hui sur l’utilisation des signes avec les bébés ?

 

Quelques rappels : 

Il n’est pas toujours aisé de comprendre son enfant, et je ne vous contredirai sûrement pas sur ce point, mais le tâtonnement que nous connaissons tous après la naissance de notre enfant, parfois quelques jours, quelques semaines voir quelques mois, laisse place petit à petit à de premiers échanges, si riches et si magiques !

En observant votre enfant dans son berceau, en le voyant sourire pour la première fois, rire, en le voyant chercher votre regard… un lien se tisse entre vous, un lien chargé d’amour et d’affect.

Ils ont déjà tout pour se faire comprendre !

 

Et bien sûr jusque-là aucun signe n’était nécessaire pour communiquer avec votre enfant ! Au contraire, il risquerait alors de masquer le naturel, de mettre de la distance dans votre relation et peut-être même de retarder le développement de sa parole.

En effet, pourquoi parlerait-il si un simple geste lui suffirait à se faire comprendre ?

Bien sûr il est parfois frustrant pour un enfant  de ne pas se faire comprendre tout de suite mais cela lui demande alors :

  • de développer ses premières stratégies de communication (et si, si je vous assure ils en sont tout à fait capables ! Votre enfant (vers 12 mois) n’a-t-il jamais tiré sur la nappe pour attraper le verre qui se trouvait sur la table ? malin non ? et que voulait-il ? et bien boire bien sûr ! en plus il développe ici son autonomie! 🙂 La prochaine fois, il faudra juste penser à mettre le verre à sa portée… 🙂
  • d’apprendre à gérer sa frustration et c’est tellement important pour permettre à l’enfant de se développer en confiance, il découvre ainsi qu’il peut surmonter ses craintes, ses insatisfactions… car s’il est frustré sur le moment, vous parent, aurez toujours une parole, un geste qui le rassurera, l’aidera à faire face à cette difficulté et donc lui permettrez de grandir !

 

Pour finir, je pense profondément que notre parole nous appartient, et que cette parole qui induit un échange avec l’Autre, demande confiance, respect et sérénité. L’enfant doit donc se sentir bien pour avoir envie de communiquer, de s’exprimer.

Alors notre priorité en tant qu’Adulte ne serait-elle pas, avant même de penser à développer telle ou telle méthode, de rester nous-même, de parler simplement avec amour et spontanéité à notre enfant afin de lui transmettre ces valeurs ?

 Et ne devons-nous pas respecter l’enfant qui ne dit rien et surtout ne devons-nous pas lui laisser du temps pour…

  • s’ouvrir aux autres
  • s’approprier l’environnement dans lequel il vit
  • se sentir en confiance avec ceux qui l’entoure
  • devenir « grand » tout simplement… (ils grandissent si vite !;-) )
  • PARLER !

 

Et aucun signe n’est nécessaire pour cela !  Continuez « seulement », à aimer, accompagner et parler à votre enfant ! Le reste viendra tout seul…

 

N’hésitez pas à lire également l’article de J-R Appell, formateur à l’association Pikler-Loczy

 

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